LIVRE - Quand Saint-Gervais était sous la menace d'un tsunami

Un livre formidablement documenté raconte comment la station a évité d'être dévastée par une masse d'eau échappée d'un glacier.

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En 1892, une poche d'eau emprisonnée dans le glacier de Tête-Rousse s'est rompue, dévastant Saint-Gervais et entraînant la mort de 175 personnes.
En 1892, une poche d'eau emprisonnée dans le glacier de Tête-Rousse s'est rompue, dévastant Saint-Gervais et entraînant la mort de 175 personnes. © ImageForum

Temps de lecture : 3 min

Il faut se méfier de l'eau qui dort, surtout si elle somnole dans les glaciers. Celui de Tête-Rousse, que les scientifiques considéraient comme placide et modeste, a montré qu'il pouvait semer la pagaille. Enchâssée à 3.200 mètres d'altitude, sur la voie classique de l'ascension du Mont-Blanc, cette meringue glacée s'est illustrée par une tragique catastrophe, le 11 juillet 1892. Ce jour-là, une poche d'eau emprisonnée dans le glacier s'est rompue, dévastant la station thermale et entraînant la mort de 175 personnes. En 2008, les mesures radars menées par Christian Vincent, ingénieur de recherche au Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement du CNRS de Grenoble, révèlent une zone d'anomalie. Des études plus poussées sont nécessaires pour en déterminer la nature. Le 24 mars 2010, les scientifiques alertent le préfet de la Haute-Savoie et le maire de Saint-Gervais : une masse de 65.000 mètres cubes d'eau liquide risque de se vidanger dans la vallée. Que faire ?

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Menace sur Saint-Gervais d'Éliane Patriarca, journaliste spécialiste de l'environnement et de la montagne à Libération, raconte cette course contre la montre qui commence pour protéger la population et vidanger au plus vite. Après un rappel historique nourri de témoignages, de photographies et de lithographies, l'auteur détaille toutes les phases de la gestion de cette crise, qui aboutit à la mise en place d'un vaste chantier périlleux, situé sous le couloir avalancheux du refuge du Goûter. Faut-il évacuer la zone menacée avant de trouver une solution de drainage ? Comment agir sans engendrer la psychose au sein de la population ? Des questions qui conduisent les autorités territoriales à imaginer un dispositif de surveillance et de sécurisation, pendant que les équipes scientifiques, organisées autour de trois laboratoires de recherche du CNRS, peaufinent leurs mesures.

Dix minutes pour évacuer

La population n'est mise au courant que le 28 juillet. Des plans d'évacuation sont distribués. Des permanences d'information sont mises en place. Les sirènes d'alarme sont testées. Les habitants de Bionnay ont, au plus, dix minutes pour évacuer, ceux du Fayet, au creux de la vallée, trente minutes. Les travaux de pompage, sous la houlette du service départemental de restauration des terrains de montagne (RTM), démarrent le 28 août. Une entreprise sous haute tension. Le décongestionnement de la poche peut, à tout moment, provoquer l'écroulement de la voûte glaciaire. On imagine d'autant plus facilement la scène que le livre est agrémenté par de superbes photos de Pascal Tournaire, qui a pu, en compagnie de David Autheman, créateur de TV Mountain, pénétrer à l'intérieur du trou en se laissant glisser dans un étroit boyau de glace. Un univers oppressant bordé par des parois vertigineuses au bleu laiteux, hérissé de lames suspendues prêtes à tomber, de ponts instables, nés d'effondrements passés.

Les scientifiques ont trouvé la cause de la formation de cette poche, dont l'origine s'explique, entre autres, par l'écart de température entre la langue du glacier située en aval, établie - 2 °C, et la partie en amont à 0 °C. Le manteau neigeux, moins épais dans le bas du glacier, ne joue plus son rôle d'isolant thermique. L'eau qui s'écoule par le haut se heurte à un mur de glace étanche, qu'elle déforme, créant ainsi une cavité. L'opération de pompage terminée, de nouveaux challenges attendent les chercheurs, qui vont devoir trouver une solution de drainage naturel. À l'heure du réchauffement climatique et de ses multiples conséquences inattendues, cette catastrophe évitée remet sur le tapis la question du devenir des glaciers alpins.

Menace sur Saint-Gervais, Éliane Patriarca (texte), Pascal Tournaire (photographies), préface de Jean Jouzel. Édition bilingue français/anglais chez Catapac. Prix : 25 euros